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Lettre à un raciste - Par Maroan Abdallah 25 avril 2023

Dans le cadre de la cérémonie de remise des prix Stop Racism In Sport 2022 de ce mardi 25 avril 2023, la lettre suivante a été lue par son auteur : 

Mon très cher raciste bien-aimé,

J’espère qu’en ces temps de crise migratoire, tu te portes à merveille. Et que tous ces malheurs, que tu juges vexatoires, ne te brûlent pas trop la cervelle.

Cela faisait très longtemps que nous n’avions pas échangé. C’est moi, tu te souviens ? L’altérité avec une carte d’identité. L’étranger qui ne cesse de te déranger. Sans raison aucune, j’ai en moi toutes les tares et tous les torts. C’est regrettable mais sans rancune. Tu ne m’aimes pas, que je sois né à Woluwe, à Kinshasa ou Agadir. C’est dur à dire mais malgré tout ça, tu m’avais manqué, malgré tous nos désaccords.

Et d’ailleurs, te souviens-tu de nos discussions enflammées ? Tu disais que mon teint, mon patronyme et mes ancêtres, ne collaient pas avec la Belgique et son écusson. Ou que peu importe mes diplômes et mon degré d’intégration, je resterai pour toi l’éternel condamné. Ah sacré plaisantin ! Que tu pouvais être parfois dandin et contraint par la vacuité de tes propos de cabotin.

Nietzsche disait « humain, trop humain ». Et toi, dans un élan génial, inspiré par le philosophe, tu l’avais paraphrasé en me disant « différent, trop différent ». Mais que j’aimais te voir pédaler dans la semoule, tout vociférant dans ta pensée d’intolérant misérable.

Mais ces chuchotements du passé, ces chuchotements du passé m’interrogent : doit-on tolérer l’intolérable ?

Ne penses-tu pas qu’il est temps d’arrêter d’essentialiser, de généraliser et de me réduire à mon altérité. Je est un 8 autre disait Rimbaud. Je sais très bien que ce n’est pas évident, que c’est là pour toi une laborieuse entreprise, étant donné que tu as été biberonné des années durant à la bêtise.

Je t’entends encore me répéter des certitudes figées, fustiger les autres que tu ne croisent que dans un journal télévisé. Tu te réfugies dans une pensée rétrécie. Mais comme disait Aristote, finalement, l’ignorant affirme, le savant doute et le sage réfléchit.

Levinas, l’un des plus grands philosophes juifs, si ce n’est le plus grand, disait « Autrui en tant qu’autrui, n’est pas seulement mon alter ego. Il est ce que je ne suis pas. » Mon très cher raciste, nous sommes à la fois semblable et différent, proche et distant. Alors pourquoi, pourquoi es-tu si détestant ?

Et franchement, sais-tu au moins pourquoi tu me rejettes ? D’après Levi-Strauss, l’anthropologue de génie, c’est mon étrangeté qui te fait perdre tes repères. Pauvre de toi... Mon visage ne t’est pas familier... et peu importe ma locution, ma culture générale ou ma passion pour Marcel Proust, je resterai pour toi, quoiqu’il arrive, un étranger.

En dépit de tout cela, je t’aime très cher raciste. Car tu me rappelles ma richesse et met en lumière ta pauvreté d’esprit. Derrière ta finasserie, se cache en réalité, une vulgaire coquetterie, celle de plaire aux imbéciles mal dégrossis. Mais quand on y pense, quelque part, nous sommes liés. C’est apaisé que je te le dis, nous sommes, toi et moi, tombés du même olivier, celui de l’humanité.

Dans l’attente de te lire, très cher, je t’embrasse.

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