Les mesures prévues pour limiter les frais supplémentaires dans le secteur des titres-services et les pratiques abusives 10 septembre 2025
Question orale de Mme Éliane Tillieux au Ministre de l’Économie, de l’Industrie, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation, sur
- « les inquiétudes pour le bien-être des travailleuses des titres-services à la suite de la suppression de leur présence obligatoire lors des visites d’évaluation »
- sur « l’application de la nouvelle convention collective de travail (CCT) dans le secteur des titres-services »
- sur « les mesures prévues pour limiter les frais supplémentaires dans le secteur des titresservices et les pratiques abusives »
Monsieur le Ministre, l’article 61 de l’avant-projet de décret-programme prévoit de supprimer l’obligation de présence du travailleur lors de la visite d’évaluation au lieu de travail.
Cette disposition soulève des inquiétudes. La présence du travailleur constitue une garantie essentielle : elle permet de relever concrètement les points d’attention liés à ses prestations et d’éviter qu’il soit laissé seul face aux exigences parfois surréalistes de certains clients.
On sait que l’objectif initial de l’obligation était précisément de ne pas placer l’aide-ménagère « entre le marteau et l’enclume », tout en rappelant aux entreprises leur responsabilité légale en matière d’analyse des risques et de contrôle du bien-être.
Les constats répétés de l’Inspection fédérale, depuis quatre ans, démontrent que nombre d’entreprises ne respectent pas ces obligations.
En retirant cette exigence, le législateur envoie un signal préoccupant : il ouvre la porte à des dérives dans un secteur déjà fragilisé, où le nombre de travailleurs et de personnels encadrants a chuté de plus de 10 % en quatre ans.
Le bien-être des travailleurs, qui devrait être une priorité, apparaît ici relégué au second plan.
Enfin, vous avez vous-même annoncé une réforme du secteur et mandaté une étude.
Dans ce contexte, pourquoi précipiter la suppression de cette mesure de protection avant même de connaître les résultats de l’étude ?
Quelles garanties comptez-vous mettre en place pour protéger réellement les aides-ménagères, si la présence du travailleur lors de la visite est supprimée ?
Pourquoi retirer dès aujourd’hui une mesure protectrice alors qu’une réforme globale est en préparation ?
Comment comptez-vous renforcer le respect, par les entreprises, des obligations légales en matière de bienêtre, condition pourtant indispensable à leur agrément ?
Monsieur le Ministre, ma deuxième question concerne l’application de la convention collective de travail dans le secteur.
Le 7 juillet dernier, un accord intervient dans le secteur des titres-services, en présence des partenaires sociaux et des cabinets ministériels par rapport au salaire.
C’est une revalorisation de 77 centimes bruts par heure dès le 1er juillet, ainsi qu’une prime rétroactive pour les prestations réalisées entre le 1er mars et le 30 juin.
L’accord est confirmé par la signature de la convention collective de travail pour la Wallonie.
Le groupe socialiste se réjouit de cette avancée, arrachée de haute lutte, qui répond à une demande légitime des travailleuses et travailleurs du secteur.
C’est un pas concret vers plus de justice sociale pour des métiers essentiels et trop souvent sous-valorisés. On l’a répété à de multiples reprises.
Cela dit, nous souhaitons attirer l’attention du Gouvernement sur une catégorie d’acteurs particulièrement concernés : les structures non commerciales, telles que les ALE ou certaines ASBL locales actives dans les titres-services.
Ces opérateurs remplissent une mission de proximité et d’insertion, souvent dans des conditions budgétaires beaucoup plus contraintes que les grandes entreprises commerciales du secteur.
Nous craignons que ces structures rencontrent des difficultés à appliquer l’accord salarial dans les délais, faute de moyens adaptés, alors même qu’elles sont soumises aux mêmes obligations.
Comment le Gouvernement wallon entend-il accompagner les structures non commerciales dans la mise en œuvre de l’accord, notamment sur le plan financier ?
Des mesures spécifiques de soutien ou d’adaptation sont-elles envisagées pour éviter que certaines structures soient mises en difficulté ou doivent réduire leur activité ?
Enfin, comment le Gouvernement assurera-t-il un contrôle efficace du respect de l’accord par l’ensemble des employeurs du secteur, tout en tenant compte de la diversité des profils d’entreprises ?
La troisième question concerne les frais supplémentaires, un sujet largement abordé antérieurement.
L’article 61 de l’avant-projet de décret-programme introduit une disposition par laquelle le Gouvernement se réserve la possibilité d’autoriser et de limiter les frais complémentaires réclamés aux clients dans le cadre du dispositif de titres-services.
Or, ce mécanisme suscite plusieurs préoccupations.
Qui contrôlera la réalité de ces frais ?
Avec quels moyens – humains ou financiers – l’administration pourra-t-elle vérifier que ces pratiques restent conformes ?
Ce contrôle fera-t-il partie intégrante des conditions d’agrément des entreprises de titres-services, et le cas échéant, des motifs de retrait d’agrément en cas d’abus ou de dérive ?
Enfin, une pratique a déjà été observée : certains opérateurs mettent en place un système de forfait ou de portefeuille payé par le client, sans lien direct avec la prestation réelle de l’aide-ménagère.
L’entreprise puise ensuite dans ce forfait, sans transparence sur la destination de ces sommes.
Le client verse ainsi une sorte de cotisation complètement opaque, sans savoir ce qui est réellement fait de cet argent.
Cela revient à autoriser un mécanisme étranger à l’esprit même du dispositif titres-services, qui devait garantir l’accessibilité, la transparence et l’équité.
Pouvez-vous confirmer si l’article 61 ouvre bien la porte à de tels frais complémentaires, et selon quelles modalités précises ?
Quelles garanties concrètes entendez-vous donner pour éviter les abus, protéger les clients et assurer que ces frais soient strictement liés à la prestation de titres-services ?
Le Gouvernement envisage-t-il de renforcer le contrôle des bonnes pratiques des entreprises agréées, en distinguant celles qui investissent réellement dans le bien-être des travailleuses de celles qui utilisent l’argent public pour alimenter des dividendes ?
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