La réforme des cellules de reconversion 13 mai 2025
Interpellation de TILLIEUX Eliane à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre wallon de l'Economie, de l'Industrie, du Numérique, de l'Emploi et de la Formation
Vous avez récemment fait part de votre volonté de réformer les cellules de reconversion en vous basant sur le modèle appliqué en Flandre et à Bruxelles.
En Wallonie, les cellules fonctionnent pendant un an, avec une prolongation possible d’une année supplémentaire, alors qu’en Flandre ou à Bruxelles, elles ne fonctionnent que six mois, avant une prise en charge des personnes par le VDAB ou Actiris.
Selon vous, le modèle flamand ou bruxellois force à un accompagnement plus rapide des travailleurs.
Vous affirmez également que les cellules de reconversion pour l’emploi ne fonctionnent pas assez bien en Wallonie en justifiant votre analyse par le taux de réinsertion de 56,5 % en 2024, soit une chute de 20 % par rapport à 2023.
Les syndicats dénoncent le fait que ces chiffres sont biaisés par le cas particulier de l'entreprise TNT. La FGTB précise que "les conditions de travail infernales dans cette entreprise ont provoqué un taux exceptionnel de malades de longue durée".
Si l'on corrige ce biais, le vrai taux de réinsertion est, selon la FGTB, de 65,87 % pour 2024 et il s'inscrit dans la moyenne sur 10 ans, qui est de 67,3 %.
Pour rappel, les travailleurs concernés ont majoritairement plus de 45 ans, sont souvent sans diplôme du secondaire et ont parfois travaillé 20 ou 30 ans dans la même entreprise.
Confirmez-vous le fait que ce taux de 56,5 % soit biaisé par les chiffres de l'entreprise TNT, comme le dénoncent les syndicats ?
Compte tenu du profil des travailleurs concernés, ce taux de réinsertion de 65,87 % peut-il sérieusement être considéré comme un échec ?
De plus, alors qu’actuellement, les cellules de reconversion sont portées par les syndicats, vous voulez les confier à des opérateurs privés, et ce au nom d’une plus grande efficacité, d’une meilleure qualité de service pour les citoyens wallons et d’une plus grande responsabilité sociale des entreprises.
Comme vous le savez, le dispositif des cellules de reconversion, initié en 1977 et institutionnalisé par décret en 2004, produit chaque année un reporting détaillé de ses résultats, comprenant notamment :
- Un détail sur les caractéristiques des entreprises et du public accompagnés ;
- Le taux d’insertion à l’emploi, selon le genre, le statut du travailleur et l’âge ;
- La nature de cette insertion selon le type de contrat trouvé (CDI, Intérim, CDD, Indépendant, etc.) ;
- Le taux de participation du public accompagné en formation, avec une répartition des filières de formations suivies.
Les données sont validées par le FOREM et, s’agissant de l’insertion, elles sont obtenues par consultation de la DIMONA et par vérification auprès des travailleurs insérés à l’emploi.
Afin de nous permettre d’apprécier la base sur laquelle vous vous appuyez pour faire vos déclarations, pouvez-vous nous communiquer les données similaires sur lesquelles vous vous basez pour des cellules pour l’emploi dont l’opérateur de reclassement est une société d’outplacement privée ?
Concernant la qualité prétendument supérieure de l’offre d’accompagnement par l’outplacement privé, il nous revient notamment que, dans le cadre de l’outplacement en Flandre et à Bruxelles, les contacts directs sont peu nombreux, la prise de contact est souvent tardive avec les travailleurs, les travailleurs manquent d’information quant à leurs obligations et l'accompagnement ne prend pas en compte les besoins spécifiques des travailleurs. De plus, les consultants ne sont pas toujours spécialisés en outplacement ou en insertion socioprofessionnelle.
Concernant la nécessité d’une plus grande responsabilité sociale des entreprises, il nous semble important de rappeler que le mécanisme de recours au dispositif des cellules de reconversion a précisément été imaginé pour favoriser la responsabilité sociale des employeurs.
En effet, les fondateurs du dispositif voulaient que le dispositif soit déconnecté de la phase de concertation du volet social de la restructuration pour permettre aux représentants des travailleurs d’obtenir de meilleures conditions de sortie pour les travailleurs et travailleuses licenciés.
Cette indépendance financière du dispositif par rapport à la négociation du volet social, a régulièrement permis aux interlocuteurs sociaux de dégager des moyens pour financer des formations adaptées aux besoins des travailleurs et du marché de l’emploi ou pour mettre en place des opérations de validation de compétences.
Or, vous évoquez, comme gage de responsabilité sociale, le recours à des opérateurs privés d’outplacement qui seraient donc financés par les entreprises en restructuration, sans aucune mobilisation des deniers publics.
Ne craignez-vous pas que la suppression de l'indépendance financière du dispositif par rapport à la négociation du volet social de la restructuration soit préjudiciable aux travailleurs ?
De plus, parmi les entreprises que vous citez pour remplacer les cellules de reconversion, il y a, en première position la société Randstad Risemart à qui le fisc a réclamé 70 millions d'euros en 2023 pour avoir réorienté ses bénéfices vers la Suisse et éviter l'impôt.
Est-ce selon vous une pratique socialement responsable ? Au cours des 5 dernières années, cette société a-t-elle bénéficié d'aides publiques (aides à l’emploi, etc.), et le cas échéant à quelle hauteur ? Qu'en est-il également pour le secteur en général ? Quelle en est la plus-value ? Comptez-vous mettre fin à ce subventionnement indirect des sociétés d’intérim, dans un souci de responsabilité sociale ?